Semaine nationale des forêts 2023

Auteur : Taylor Piotrowski, Directeur, Société fiduciaire forestière du Canada

C'est aujourd'hui le premier jour de la Semaine nationale de la forêt et la Société canadienne de fiducie forestière marque l'occasion en faisant appel à un certain nombre de nos partenaires et experts sur le thème de l'avenir des forêts au Canada. Surveillez nos messages sociaux qui présentent des entrevues avec une variété de nos conseillers et de chefs de file du secteur. Nous voulons aussi vous entendre ! Selon vous, que doit faire le Canada pour préserver l'Avenir des forêts ? 

Entretien de la CFT avec le Dr. Warren Mabee, membre du Conseil pour la science, l'innovation et la politique : Transition vers une gestion forestière intensive. 

C'est aujourd'hui le premier jour de la Semaine nationale des forêts, et il serait difficile de parler de l'importance de cette semaine sans évoquer les destructions massives causées par les incendies de forêt cette année. Depuis mars 2023, le Canada est touché par une série d'incendies de forêt qui battent tous les records. Des dizaines de milliers de personnes ont été chassées de chez elles et aucune province ni aucun territoire n'a été épargné. Les incendies de forêt augmentent chaque année, et cette année, ils ont brûlé au moins 15,3 millions d'hectares, soit près de 10 fois plus qu'en 2022. 

La question qui préoccupe de nombreuses personnes est de savoir comment rendre nos forêts plus résistantes aux incendies de forêt à l'avenir. 

Nous avons posé cette question à Warren Mabee, doyen associé de l'université Queen's, directeur de la School of Policy Studies et conseiller de la CFT, qui estime que si la gestion forestière extensive a été l'approche prédominante de la foresterie au Canada pendant de nombreuses décennies, une transition plus large vers des approches de gestion forestière intensive s'impose dans toutes les juridictions. "L'adoption d'une gestion forestière plus intensive, c'est-à-dire d'une gestion plus active des terres et d'une gestion axée sur de nombreux objectifs écologiques plutôt que sur la seule récolte de bois, est l'un des moyens de réduire le risque d'incendies catastrophiques dans les forêts", explique M. Mabee.

La gestion forestière extensive, que l'on peut définir comme "[l]a pratique de la sylviculture sur la base de faibles coûts d'exploitation et d'investissement par acre", est pratiquée depuis de nombreuses années, mais elle s'est imposée dans les années 1980 en raison de la volonté de maintenir les droits de coupe à un niveau peu élevé afin de garantir la compétitivité du Canada sur le marché mondial du bois. À l'époque, on affirmait que "...l'un de nos plus grands atouts pour être compétitif sur le marché forestier mondial a été le prix moins élevé de l'exploitation de nos forêts naturelles héritées par rapport aux forêts de plantation plus onéreuses des pays scandinaves et des États-Unis". Les forestiers qui s'opposent à la gestion forestière extensive sont considérés comme s'appuyant trop sur des "approches émotionnelles". En 1989, C.A. Benson, professeur associé à l'école de foresterie de l'université de Lakehead, a déclaré : "En tant que forestiers, nous devons être objectifs et appliquer nos connaissances commerciales et scientifiques à la gestion de nos forêts. 

C'est ainsi qu'ont commencé près de 50 ans de gestion forestière extensive dans ce pays.  

M. Mabee explique que la consolidation de l'industrie forestière a renforcé le modèle, car les grandes entreprises ont réalisé des économies d'échelle en employant des équipes plus réduites de professionnels de la forêt sur de plus grandes superficies. Les grandes entreprises pouvaient également mieux résister aux impacts des incendies ou des invasions d'insectes et diversifier les risques au sein d'un vaste portefeuille de propriétés. Du point de vue de la rentabilité, l'entreprise pouvait se permettre d'enregistrer des résultats médiocres dans certaines régions, tant que la moyenne globale restait rentable. Cependant, lorsque la demande de bois a commencé à diminuer au début des années 2000 - en grande partie à cause de la baisse de la demande de papier - il est devenu ironiquement de moins en moins rentable de gérer les forêts. Cette situation a engendré une nouvelle série de problèmes : les forêts fortement boisées, préparées en vue d'une future récolte, constituent un combustible pour les incendies de forêt et un habitat pour les infestations d'insectes les plus répandues.   

Toutefois, face au changement climatique, la valeur des forêts est peu à peu prise en compte de manière plus large et le pendule revient vers la gestion intensive des forêts. La qualité de l'eau et de l'air, la capture du carbone et les avantages pour la société sont reconnus comme des atouts tangibles qui doivent être pris en compte dans l'équation coûts-bénéfices de la foresterie.

La gestion forestière intensive, malgré son importance dans le débat moderne axé sur les solutions, n'a pas de définition généralement acceptée. Alors que la gestion forestière intensive peut être et est appliquée à une valeur unique, telle que l'augmentation de la production de bois, une approche plus holistique de la gestion forestière intensive englobe de multiples valeurs - y compris la biodiversité, l'eau et le carbone. Elle tend vers des zones de gestion plus petites, des ratios plus élevés de professionnels forestiers par rapport à la zone gérée, et considère la gestion forestière du point de vue de l'écosystème. Elle est donc très axée sur le lieu et comprend une planification avancée, une sylviculture intensive, une protection renforcée et un suivi des effets et de l'efficacité "pour augmenter considérablement la quantité, la qualité et/ou la diversité des produits forestiers dans les plus brefs délais, sans sacrifier l'intégrité écologique du site". C'est en partie ce à quoi se réfère la Forest Trust Corporation du Canada lorsqu'elle parle de "bon arbre, bon endroit, bon moment". C'est ce que les gardiens du savoir indigène entreprennent lorsqu'ils introduisent régulièrement et stratégiquement des brûlages contrôlés dans une zone forestière spécifique à un moment précis, en éliminant les débris accumulés qui se transforment en bois d'allumage dans les bonnes conditions. 

Bien qu'il s'agisse d'une solution prometteuse pour la gestion d'un couvert forestier sain, plusieurs obstacles s'opposent à l'accélération d'une approche globale de la sylviculture intensive au Canada. 

L'un des défis à relever est que 89 % des terres du Canada sont publiques, 41 % étant administrées par le gouvernement fédéral et 48 % par les provinces et les territoires. À l'heure actuelle, le retour sur investissement pour les contribuables se concentre sur la production de bois. La création de crédits pour la biodiversité ou le patrimoine culturel pourrait contribuer à diversifier ce retour sur investissement en attribuant une valeur monétaire aux produits et services non ligneux fournis par les forêts. L'utilisation de ces crédits pourrait contribuer à mieux mettre en lumière les véritables compromis inhérents aux décisions de gestion forestière. 

La gestion forestière intensive a tendance à être plus coûteuse et à nécessiter plus de main-d'œuvre. Là encore, des crédits pour la biodiversité ou le patrimoine culturel pourraient contribuer à attirer les investissements vers la gestion forestière intensive, mais au cours des 30 dernières années, l'intérêt des étudiants pour la sylviculture et les programmes liés à la sylviculture a considérablement diminué au Canada. La foresterie a acquis la réputation d'une "industrie en déclin" et les perspectives de carrière sont également limitées. Il n'y a qu'une poignée d'universités au Canada qui disposent d'écoles forestières spécialisées. De nombreux professeurs, comme M. Mabee, travaillent sur des questions liées à la forêt mais ne sont pas rattachés à des programmes forestiers à proprement parler, de sorte qu'un regain d'intérêt pour les possibilités d'études post-secondaires et les emplois verts pourrait contribuer à combler les lacunes. De même, les progrès technologiques sont prometteurs dans la mesure où ils réduisent les besoins en main-d'œuvre intensive. 

La fragmentation juridictionnelle constitue également un défi. La gestion intensive des forêts n'est pas une approche unique et pourtant, les écosystèmes ne respectent pas les frontières créées par l'homme. Il est nécessaire de mettre en place des politiques publiques qui contribuent à définir les valeurs souhaitées et des réglementations qui guident les comportements. En même temps, au niveau local, provincial, fédéral et international, nous nous efforçons toujours de parvenir à un accord commun sur les problèmes et les solutions. C'est pourquoi les forums internationaux tels que la Conférence des parties sont si importants pour lutter contre le changement climatique.  

En fin de compte, peu importe la façon dont nous, les humains, modifions nos politiques et nos pratiques, nous avons un impact sur nos forêts. Par exemple, le Canada possède deux grandes zones de transition forestière : l'une représente l'espace entre la forêt des Carolines et la forêt des Grands Lacs et l'autre entre la forêt des Grands Lacs et la forêt boréale. Ces zones de transition se déplacent. Cela reflète en grande partie nos interventions et nos décisions visant à maximiser les différentes valeurs. "Il est fascinant d'imaginer ce que les forêts pourraient faire en l'absence d'intervention humaine", a déclaré M. Mabee, "mais le fait est que nous coexistons et que la santé et la durabilité à long terme de nos forêts sont directement liées aux nôtres". 

Warren Mabee (Ph.D. 2001, Toronto) est doyen associé et directeur de la School of Policy Studies de l'université Queen's. Il est professeur titulaire au département de géographie et de planification. Professeur titulaire au département de géographie et de planification, il est titulaire de la chaire de recherche Stauffer Dunning en études politiques. En outre, il est nommé conjointement à la School of Environmental Studies de l'université Queen's. Son programme de recherche international se concentre sur l'interface entre la politique et la technologie dans le domaine des énergies et des carburants renouvelables, en abordant des questions qui comblent le fossé entre les chercheurs et les décideurs à l'aide d'outils tels que l'évaluation du cycle de vie, les systèmes d'information géographique et les modèles logistiques à base d'agents.  

Le Trust forestier du Canada a la chance de compter M. Mabee parmi les membres de son conseil scientifique, d'innovation et d'orientation.

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