Assainissement des marchés volontaires de crédits carbone. Qu'est-ce qui est "suffisant" ?

La confiance, comme le dit l'adage, se construit en un temps long et se brise en un instant.

J'y ai réfléchi ce week-end en me plongeant dans la récente enquête du Guardian sur le marché volontaire des crédits carbone. L'objet du reportage est Verra, le programme de crédits de gaz à effet de serre (GES) actuellement le plus utilisé au monde. Le titre : "Plus de 90 % des compensations carbone pour la forêt tropicale, délivrées par le plus grand fournisseur, sont sans valeur". Selon The Guardian, Verra émettait des "crédits fantômes" qui non seulement ne permettaient pas de lutter contre les émissions, mais qui, dans certains cas, aggravaient le réchauffement climatique. Verra a répondu que la méthodologie utilisée pour parvenir à cette conclusion était "défectueuse" et que les affirmations du Guardian étaient "fausses". 

 

Je pourrais m'étendre sur le duel des méthodologies qui alimente ce va-et-vient entre The Guardian et Verra, mais je vais aller à l'essentiel pour les investisseurs du marché du carbone. Ce rapport du Guardian, ainsi qu'un rapport très similaire qu'il a publié sur Verra en 2021, remet en question la manière dont le monde évalue les crédits carbone volontaires et qui décide de la manière dont nous les évaluons. Il souligne la raison pour laquelle cette question a été au cœur des débats lors de la COP27 en novembre et de la COP15 en décembre. En l'absence de lignes directrices claires, concrètes et internationalement reconnues pour régir le marché des crédits carbone volontaires, les investisseurs et les investisseurs potentiels deviennent nerveux.  

 

Ce n'est pas une façon de développer un marché dont le monde a désespérément et urgemment besoin pour fonctionner et s'étendre. 

La croissance du marché volontaire du carbone est l'un des outils de marché les plus puissants pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Les crédits carbone destinés aux marchés volontaires du carbone sont créés en développant des projets qui évitent, réduisent ou éliminent le carbone de l'atmosphère et répondent aux exigences de l'un des protocoles du marché volontaire du carbone actuellement reconnus, tels que Verra. Ces crédits carbone peuvent ensuite être vendus sur le marché volontaire du carbone et achetés, par exemple, par une entreprise qui s'est volontairement engagée à réduire son empreinte carbone à zéro. L'acheteur peut utiliser les crédits carbone comme compensation de son empreinte carbone dans le cadre d'une trajectoire de réduction du carbone, dans la mesure où il ne peut pas éviter ou réduire son empreinte carbone d'une autre manière. Le potentiel du marché volontaire du carbone est considérable. En 2021, les marchés volontaires du carbone ont atteint une valeur de plus d'un milliard de dollars (US), un nombre croissant de marques s'étant fixé des objectifs nets de zéro. Mark Carney a estimé que le marché volontaire du carbone vaudra au moins 50 milliards de dollars d'ici à 2030.

 

Ces crédits carbone peuvent être d'origine naturelle, comme ceux que le Fonds forestier canadien développe en construisant et en entretenant des forêts biodiversifiées qui captent le carbone, ou ils peuvent être "mécaniques" - un investissement dans une technologie ou un projet qui réduit ou capture le carbone (comme la production d'énergie renouvelable ou la capture et le stockage du carbone dans l'air direct). Sur le marché réglementé de la conformité, l'échange de crédits carbone est fortement réglementé et normalisé, de sorte que la qualité et la crédibilité de ces crédits carbone de conformité restent constantes et élevées. Il n'en va pas toujours de même pour les crédits carbone volontaires. Des organisations telles que Verra ont entrepris d'établir des normes permettant d'attribuer une valeur à ces crédits carbone. Le problème est que tout le monde n'est pas d'accord avec ces normes, ce qui mine la confiance dans la valeur des crédits carbone volontaires.

Que faut-il faire pour renforcer la confiance dans les marchés volontaires du carbone dans le monde ? 

Depuis la conclusion de l'Accord de Paris en 2015, le débat autour de la gouvernance du commerce international des crédits carbone persiste. L'article 6 de l'accord de Paris énonce les principes fondamentaux selon lesquels les pays peuvent "poursuivre une coopération volontaire" pour atteindre leurs objectifs climatiques par le biais du commerce des crédits carbone, mais les crédits "volontaires" ou "compensatoires" achetés par des entreprises privées n'avaient pas à passer par le système de l'article 6. Entre 2015 et aujourd'hui, la demande de mise en conformité du marché volontaire du carbone avec l'article 6 n'a fait que croître. En 2020, l'Institut international de la finance, sous la direction de Mark Carney, envoyé des Nations unies pour l'action climatique et la finance, a mis en place un groupe de travail chargé d'élaborer des règles pour régir les marchés volontaires du carbone. Ce groupe de travail sur l'expansion des marchés volontaires du carbones'est ensuite transformé en Conseil de l'intégrité pour les marchés volontaires du carbone (ICVCM), qui s'est concentré sur la mise en place de normes et d'une surveillance pour garantir la qualité des crédits carbone. Leur projet de critères de base en 10 points a été publié en août 2022, et une période de consultation mondiale ouverte a été organisée.

 Définition d'un seuil mondial définitif pour les crédits carbone à haute intégrité.

La semaine dernière, à l'occasion de la publication du rapport du Guardian sur Verra, l'ICVCM a dévoilé ses prochaines étapes. Les consultations sont désormais closes et la version finale des principes fondamentaux du carbone (CCP) sera publiée en mars de cette année. L'ICVCM prévoit de commencer à annoncer les programmes et les types de crédits approuvés par les CCP au troisième trimestre 2023, ce qui permettra aux programmes d'émettre les premiers crédits carbone labellisés par les CCP peu de temps après. Le Guardian a rapporté l'annonce, citant les assurances d'Annette Nazareth, présidente de l'ICVCM, selon lesquelles cette "norme seuil mondiale définitive pour les crédits carbone à haute intégrité" serait "basée sur une science solide et des données claires, mesurables et vérifiables qui répondront aux préoccupations du marché et donneront aux acheteurs la certitude qu'ils financent des projets qui ont un impact réel et positif". Dans un article d'opinion complémentaire, Fiona Harvey, rédactrice en chef du journal The Guardian, souligne les échecs passés des marchés volontaires du carbone, les espoirs renouvelés que suscitent les normes de l'ICVCM et le fait qu'en fin de compte, attendre des méthodes plus parfaites est désormais un "luxe inabordable".

J'avoue avoir été plus enthousiaste. 

Je pense que les investisseurs ont tout intérêt à soutenir des projets crédibles et efficaces qui contribuent à l'action climatique - et à la biodiversité. La surveillance accrue et l'amélioration itérative des normes volontaires en matière de crédits carbone encourageront ceux qui sont à l'écart à se lancer sur le marché. Je suis également optimiste quant au fait que, dans le cadre de l'économie verte à venir, le choix entre ce qui est bon pour les personnes, la planète et le profit ne doit pas s'exclure mutuellement. L'ICVCM et ses principes fondamentaux en matière de carbone constituent un pas en avant prometteur dans cette direction.

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